Le préscolaire Montessori élève et égalise les résultats des enfants : une étude longitudinale

Auteur : David Ayer, NCMPS, www.public-montessori.org, 2 novembre 2017
Traduction : Anastasia Müller, Laurence Ouellet et Allan Nguyen

Étude complète (anglais): https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2017.01783/full

Angeline Lillard

Le docteur Angeline Lillard, auteure de quelques-unes des recherches Montessori les plus significatives effectuées à ce jour (dans son livre de 2005, en 2006 et en 2012), a publié une nouvelle étude substantielle dans : Frontiers in Psychology : Montessori Preschool Elevates and Equalizes Child Outcomes: A Longitudinal Study – L’école préscolaire élève et égalise les résultats de l’enfant : une étude longitudinale. L’étude, effectuée sur trois ans, avec des enfants inscrits en école publique Montessori AMI, à Hartford dans le Connecticut, présente deux résultats spectaculaires. Premièrement, les enfants inscrits en école Montessori avaient de meilleurs scores dans leur réussite académique, leur cognition sociale, leur but de maîtrise ainsi qu’en ce qui concerne le plaisir scolaire. Deuxièmement, et encore plus significatif pour Montessori et la réforme sur l’éducation, « l’éducation Montessori réduit grandement l’écart de réussite entre les années de préscolaire ». L’étude est clairement rédigée, succession d’informations soutenant la pédagogie Montessori, entrecoupée de données statistiques fascinantes, et devrait vraiment être lue et étudiée directement, mais les principales conclusions sont résumées ici.

Voici premièrement, quelques points sur l’étude en elle-même et sur la manière dont elle est écrite. Lillard commence par opposer les programmes classiques, qui sont soit didactiques et dirigés par un enseignant, soit gratuits ou ouverts avec plus de jeux, mais moins de contenu académique. La pédagogie Montessori relie les activités librement choisies et dirigées par l’enfant avec un contenu académique important ; des éléments connus pour conduire à des résultats positifs. Lillard observe que Montessori, qui « s’aligne sur les pratiques et principes reconnus comme étant les plus optimaux pour le développement de l’enfant selon un siècle de recherche », est un excellent sujet pour les recherches menées au niveau préscolaire.

Concernant sa structure, cette étude a porté sur 141 enfants inscrits pour être sélectionnés dans les écoles Montessori publiques du secteur de Hartford. De ce nombre, la moitié ont été admis dans des écoles Montessori alors que l’autre moitié non ; permettant ainsi d’obtenir un échantillon sélectionné au hasard et démographiquement similaire. Les enfants ont été suivis durant les trois années de l’étude, en étant évalués au tout début puis à chaque année. Les enfants Montessori étaient inscrits dans des écoles ayant une grande fidélité aux principes Montessori et reconnues par l’Association Montessori Internationale (AMI), avec des classes d’âges mixtes allant de trois à six ans, un ensemble complet de matériel Montessori et des enseignants formés par l’AMI. Des recherches antérieures, bien que suggérant des résultats positifs pour la pédagogie Montessori, ont été limitées par peu de contrôles, des échantillons de petite taille et des niveaux variables de fidélité aux principes Montessori. La présente étuderègle toutes ces questions.

RÉSULTATS

Résultats académiques

« Même s’ils étaient égaux au début, le groupe des enfants inscrits dans une école Montessori a progressé plus rapidement au cours des années de l’étude. »

Les résultats scolaires ont été mesurés par les sous-tests Math, Letter-Word et Picture Vocabulary du test psychopédagogique de capacités cognitives de Woodcock-Johnson IIIR[1], un outil largement utilisé avec une fiabilité et une validité élevées. Les lettres cursives étaient utilisées pour le test Letter-Word avec les enfants des écoles Montessori pour s’accorder avec ce qu’ils expérimentaient en classe. Fait intéressant ; la différence entre les résultats n’est apparue qu’à la fin de la deuxième année de l’étude, suggérant un effet positif de l’exposition à la pédagogie Montessori sur la durée. Les gainsétaient significatifs à travers les différentes matières académiques, même lorsque les résultats étaient contrôlés par rapport au revenu familial, au genre et aux fonctions exécutives.

Cognition sociale – La théorie de l’esprit

« La cognition sociale se développe plus rapidement chez les enfants inscrits en école Montessori. »

La cognition sociale a été évaluée avec des tâches de l’échelle de pensées de Wellman et Liu[2] (Accès au savoir, contenus de fausses croyances, diverses croyances et émotions cachées) qui mesure la capacité des enfants à raisonner sur les perceptions et croyances des autres, et prédit leur compétence sociale ultérieure. Pour l’une des tâches,

« Ce qui était caché dans le tiroir d’un bureau de maison de poupées était montré aux enfants, puis une poupée dont nous leur avions dit qu’elle n’avait pas vu l’intérieur du tiroir leur était aussi montrée. Nous leur demandions ensuite si la poupée savait ce qu’il y avait dans de ce tiroir et si elle l’avait vu à l’intérieur. »

À nouveau, les enfants Montessori ont débuté de manière similaire au groupe de contrôle et se sont améliorés régulièrement au cours des trois années, montrant des acquis significatifs après deux ans.

But de maîtrise

« Les enfants inscrits dans le programme Montessori étaient plus à même d’avoir développé un état d’esprit visant à accroître leurs compétences vers la dernière moitié de leurs années de préscolaire. »

Le but de maîtrise, une qualité personnelle associée à un « état d’esprit visant à augmenter les compétences — une conviction selon laquelle, avec de l’effort, on peut relever les défis et accroître ses habiletés, » a été mesurée avec un test dans lequel on montrait aux enfants un casse-tête simple ainsi qu’un casse-tête insoluble. Ensuite, on leur offrait l’opportunité de retourner à l’un ou à l’autre. À la deuxième année de l’étude, les enfants Montessori étaient plus à même de choisir le casse-tête le plus difficile, disant des phrases comme : « parce que je pense que je peux y arriver. »

Plaisir scolaire

« Les enfants inscrits en école Montessori étaient relativement plus positifs à propos des activités reliées à l’école… suggérant que les bénéfices de leur réussite ne se faisaient pas au détriment de leur plaisir scolaire. »

Le plaisir scolaire a été mesuré à l’aide d’un questionnaire et la tendance des jeunes enfants à attribuer la note la plus élevée possible sur ce type d’outil a été contrôlée par des protocoles de tests astucieux.

Fonctions exécutives, résolution de problèmes sociaux et créativité

Bien que de précédents travaux aient montré des acquis dans ces domaines pour les enfants inscrits en école Montessori, au cours de la présente étude, le groupe Montessori et le groupe de contrôle n’ont montré aucune différence, sauf pour les fonctions exécutives qui montrent un avantage statistiquement significatif pour les enfants Montessori âgés de quatre ans. Cet écart réduisait ensuite pour se résumer à un faible avantage à la fin de l’étude.


Cependant, les mesures initiales des fonctions exécutives, qui prédisent généralement les résultats scolaires, l’ont démontré dans le groupe de contrôle, mais pas chez les enfants Montessori. Les enfants Montessori ayant des scores de fonctions exécutives inférieurs ont montré les mêmes acquis académiques que leurs pairs plus doués.

écartS de réussite

Même avec ces résultats frappants pour les enfants Montessori dans l’étude, le constat le plus important est de loin celui de l’effet sur le dénommé « écart de réussite ». Tout d’abord largement reconnu dans le rapport Coleman de 1966[3] , l’écart réside dans la disparité persistante de la réussite scolaire entre les différents groupes socio-économiques, ethniques et liés au genre. Considéré à présent comme un « écart d’opportunité », qui reconnait les opportunités et expériences de vie disparates entre ces mêmes groupes, l’écart résiste obstinément à des décennies de réformes de l’éducation, à tel point que le dicton « un code postal est un destin » est devenu un mot d’ordre en éducation aux États-Unis.

Mais l’étude de Lillard suggère que cela en est autrement :

« L’éducation Montessori a considérablement réduit l’écart de réussite au cours des années de préscolaire. »

La grande corrélation entre les revenus et la réussite scolaire est bien établie dans le domaine de la recherche en éducation et était présente dans le groupe de contrôle. Étonnamment, cette corrélation dans le groupe Montessori à la fin de l’étude était réduite de moitié par rapport à celle du groupe de contrôle. Au cours de l’étude, les enfants Montessori venant d’un milieu à faible revenu ont obtenu des résultats scolaires nettement supérieurs à ceux du groupe témoin. Ainsi, la mesure initiale a été réduite des deux tiers à la fin, pour atteindre une quasi-égalité statistique. Selon Lillard, une autre année en école Montessori aurait pu entièrement éliminer l’écart. À l’intérieur même du groupe témoin, l’écart est resté le même. Il s’agit d’un résultat significatif avec d’énormes implications pour la réforme en éducation et pour la justice sociale aux États-Unis.


Pourquoi Montessori ?


Lillard poursuit avec des théories fascinantes sur les raisons des effets observés ainsi qu’avec des orientations pour les recherches futures. Concernant la réussite scolaire, il est possible que les activités Montessori elles-mêmes, avec leurs caractéristiques spécifiques telles que leur représentation concrète du concept, leurs connexions logiques intégrées (particulièrement dans le matériel de mathématiques), leur ordre inhérent et leur nature logique et intéressante, en soient responsables.Les résultats concernant la cognition sociale et la théorie de l’esprit pourraient être dus aux classes d’âges mixtes offrant des possibilités importantes d’interactions sociales ; aux matériels en nombre limité qui crée des opportunités de conflits sociaux ; ou au fait de mettre l’accent sur la concentration.La tendance au but de maîtrisepourrait découler du fait que la pédagogie Montessori met l’accent sur la motivation intrinsèque plutôt que sur les récompenses extrinsèques, ainsi que de l’accent mis sur la répétition en vue de maîtriser l’activité et le programme. Le plaisir scolaire pourrait découler du choix de l’enfant. Même un résultat négatif, où les fonctions exécutives ne prédisaient pas la réussite scolaire pour les enfants Montessori, pourrait découler de l’éducation individuelle (instruction différenciée) inhérente à la pédagogique Montessori ; les enseignants pourraient accompagner plus efficacement les enfants dont les fonctions exécutives sont inférieures. Ce sont toutes des pistes intéressantes pour de futures études.

Peut-être que cela vient des enseignants

Il est également possible que les enseignants Montessori, en plus ou à la place du programme, soient responsables des gains. Il se peut que les futurs enseignants Montessori soient simplement de meilleurs enseignants au départ. Bien qu’intense et rigoureux, le programme de formation des enseignants Montessori à MTCNE[4], un centre de formation AMI situé à Hartford où la plupart des enseignants sont formés, n’est pas plus sélectif et n’a pas de normes plus strictes que d’autres programmes d’éducation en petite enfance, mais attire peut-être des types différents de personnes.

Peut-être que la formation en elle-même forme de meilleurs enseignants. Un cours AMI comprend généralement neuf mois de cours magistraux, démonstrations, observations, enseignement pratique, création de manuels d’enseignement personnels (appelés « albums ») ainsi que des examens oraux et écrits, dispensés par des formateurs ayant au minimum cinq années d’expérience en classe et plusieurs années de préparation au métier de formateur. De plus, plutôt que d’étudier une gamme de modèles éducatifs, la formation est concentrée intensément sur la théorie et la pratique de la pédagogie Montessori. Elle encourage une attitude aimante et chaleureuse à l’égard de l’enfant, combinée à des attentes élevées envers celui-ci pour ce qui est de l’autonomie ; des attitudes connues pour favoriser la réussite scolaire. Tous ces aspects sont recommandés pour des études ultérieures.

Et nous devons nous attendre à des études plus poussées. Des découvertes telles que :

« Les programmes Montessori de haute fidélitésont plus efficaces que d’autres programmes scolaires habituels pour améliorer les performances de tous les enfants tout en permettant aussi d’égaliser les résultats des sous-groupes d’enfants dont les résultats sont généralement moins bons. »

sont provocatrices et convaincantes, et Lillard souligne que plus de 400 programmes publics Montessori aux États-Unis pourraient constituer des sites pour des recherches futures plus vastes :

« Une étude à grande échelle devrait examiner les résultats dans plusieurs autres écoles publiques Montessori, en tenant compte du niveau de fidélité dans l’implantation de la pédagogie Montessori, des enseignants ainsi que de leur formation. La présente étude soutient la légitimité d’une telle étude pour déterminer plus définitivement si l’éducation Montessori devrait être implantée à plus large échelle. »

Cet article a été traduit par des bénévoles pour la Fondation Montessori de Québec.


[1] https://en.wikipedia.org/wiki/Woodcock%E2%80%93Johnson_Tests_of_Cognitive_Abilities

[2] Wellman and Liu’s Theory of Mind scale, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15056204

[3] 1966 Coleman Report, http://files.eric.ed.gov/fulltext/ED012275.pdf

[4] http://www.crec.org/mtcne/

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